La jeune fille et le feu by Claire Raphaël

Auteur:Claire Raphaël [Raphaël, Claire]
La langue: eng
Format: epub
Éditeur: Rouergue
Publié: 2023-09-15T04:00:00+00:00

Dario s’est présenté dans la soirée. Il était dix-huit heures. On était en train d’aviser le parquet du déroulement de la garde à vue de Bruno Chérifi. Les auditions n’avaient pas traîné. L’homme avait tenu bon pour minimiser la quantité qu’il avait l’habitude d’écouler, il espérait passer pour un vendeur occasionnel, il avait ergoté sur les quantités saisies, l’intérêt d’acheter plus pour avoir un meilleur prix, il avait fait montre d’un certain talent calculateur, il avait plus de capacités que celles d’un ouvrier modeste, il n’avait donné aucune information sur les dealers de la cité, il serait déféré le lendemain dans la matinée.

Notre saisie portait sur trente sachets d’un gramme chacun de cocaïne, ce qui ne faisait pas de notre client un gros poisson, plutôt un homme astucieux, qui prend des risques en croyant bien faire, son compte en banque ne montrait rien, il vendait pour assurer son quotidien, il n’avait pas blanchi et placé ses bénéfices, on avait tenté de faire de lui un portrait objectif au procureur, un homme qui s’en sort mal parce qu’il ne cherche pas vraiment à s’en sortir. Un homme qui a pris l’habitude de vivre en se laissant porter par le courant, à force de solitude, et parce que ses parents sont morts quand il était gosse, dans un accident de voiture qui lui a valu à lui-même un an d’hôpital. Il avait quatorze ans, il n’a plus voulu retourner à l’école, il n’a plus voulu écouter ceux qui tentaient avec plus ou moins de conviction de s’occuper de lui, il n’a pas voulu retourner vivre en Algérie où une de ses tantes aurait pu le recueillir, il a été placé dans un foyer où il s’est illustré par ses refus, refus d’obéir, refus d’étudier, refus de vivre peut-être, incapacité de s’attacher à quiconque, sans projet, sans désir, sans savoir s’il avait le droit de se plaindre ou le devoir de se venger… son père était ivre au volant le jour de l’accident.

Dario s’est présenté à l’accueil du service. On l’a fait monter aussitôt. Il était bien sapé. Pantalon et blouson de cuir sur un polo rouge qui lui offrait le luxe d’une élégance discrète, petit foulard autour du cou pour se donner un air de dandy, il s’appelait Dario Serrano, il était âgé de dix-neuf ans, il portait des cheveux un peu longs sur la nuque, des cheveux épais, des yeux noirs, en amande, la peau bistre, l’air méridional, une certaine aisance qui le rendait gracieux.

Tom l’a pris en douceur, avec quelques salamalecs qui auraient pu me faire sourire. « Nous sommes bien contents de pouvoir vous rencontrer, parce qu’on a entendu parler de vous, et il nous semble que vous entretenez avec Astrid Frontenac une relation qui a son importance, pour elle et certainement pour vous. Et nous sommes sûrs que vous avez à cœur de nous aider à comprendre ce qui est arrivé à Mme Frontenac. Il va falloir qu’on comprenne ce qui s’est passé pour qu’Astrid puisse faire son deuil.

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